Cameroun : Lire l’interview du gouverneur Abakar Ahamat sur la crise anglophone.

Cameroun : Lire l’interview du gouverneur Abakar Ahamat sur la crise anglophone.

Yaoundé le 05 octobre 2024, (SecuCam360)—L’ancien gouverneur Abakar Ahamat nous parle de la crise anglophone tout en nous proposant des pistes pour sortir définitivement de cette crise.

Selon vous, quelles sont les véritables causes de la crise anglophone ?

C’est le genre de question que l’on n’a jamais eu le courage de poser aux Anglophones eux-mêmes. Leurs réponses à cette simple question pourraient conduire aisément à une résolution définitive de cette triste crise.

Pour ma part, il y a de nombreuses causes à cette crise ; j’en ai évoqué quelques-unes dans mon livre intitulé « Crise Anglophone ou Forfaiture Francophone ? »

N’ayant jamais travaillé dans la régiondu Sud-Ouest,j’avoue que je ne connais pas les spécificités locales de la crise de fe côté-là ; c’est pour cela que je ne parlerai que du Nord-Ouest en espérant que les aspects à évoquer se ressentiraient exactement de la même façon d’un côté comme de l’autre. Il y en a donc des causestrès lointaines parmi lesquels :

– le refus de permettre, lors des négociations d’avant le référendum (pour les francophones) et le plébiscite (pour les anglophones) de 1961, de leur permettre de faire un 3e choix (l’indépendance tout court, sans rattachement ni au Nigéria ni au Cameroun ; la Conférence des fausses négociations de Foumban ; le non-respect des accords de Foumban ; la désillusion postnuptiale (disparition de tout leur héritage britannique, apporté à la communauté des biens liée au Fédéralisme. le divorce idéologique de 1972 avec la création de la République Unie du Cameroun et … le retour, en 1984, à la dénomination République du Cameroun avec la disparition de la 2e Étoile du Drapeau National qui, pour les anglophones, signifie une complète disparition de leur identité collective.

Il y en a de récentes parmi lesquelles : l’histoire de l’aéroport de Bamenda dont les 450 familles déguerpies du site et qui ne sont pas jusqu’ici indemnisées, continue à alimenter le mécontentement et le sentiment de marginalisation ; les causes de la catastrophe du Lac Nyos qui, pour les populations, étaient une opération méchamment menée par le gouvernement qui, pour se dédouaner, avait promis des clarifications après une enquête par des experts, mais toujours attendues à ce jour ; ceci culpabilise le pouvoir à leurs yeux. L’indemnisation ou la compensation des « Victimes de la Démocratie »de 1992 qui n’a jamais été assurée, malgré la Décision de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Personnes de Banjul qui a condamné le Cameroun à leur verser cinq (5) milliards de depuis 2010. La Ring Road qui devrait relier 6 départements sur les 7 de la région à Bamenda. Il y a des causes actuelles : La gestion tatillonne des évènements de 2016 ; la radicalisation des positions face aux événements sécuritaires ; la non prise en compte des Icônes intouchables dans la région et dont certaines ont été désacralisées (Enseignants et Avocats) ; la trop forte centralisation et la timide décentralisation effective.

Pensez-vous que le grand dialogue a apporté des réponses concrètes aux préoccupations de la population de cette partie du pays?

J’aurais aimé entendre que oui, le GDN a apporté des solutions à la crise et a soulagé les peines des populations. Mais je suis au regret de constater que la situation reste bien triste.

Le Statut Spécial et le Public Independent Conciliator tardent encore à me convaincre de leur efficacité.

Est-ce que le choix des acteurs du grand dialogue n’a pas été un problème ?

J’étais parmi ceux qui avaient souhaité que les anglophones aient la possibilité de se concerter au préalable, en vue de choisir eux-mêmes leurs plénipotentiaires et même les sujets faisant leurs préoccupations.

Malheureusement, la manière dont les représentants avaient été choisis n’aurait pas été la meilleure et du coup, la représentativité n’aurait pas été du goût de la majorité des populations qui ne se seraient pas reconnues en eux.

Pensez-vous que les multiples arrestations de certains leaders sont un début de solution à cette crise ?

J’aurais souhaité que ce fut un réel début. Je suis du nombre de ceux qui souhaitent qu’une solution inclusive, définitive et rapide soit trouvée. Mais j’attends encore d’être convaincu que ces arrestations qui ont commencé depuis quelques années déjà (avec les Sisiku) soient le début de la fin de cette crise.

Selon vous, qu’est-ce qu’il y a lieu de faire pour mettre un terme à cette crise ?

Mon point de vue et mes suggestions pour mettre fin à cette triste crise ont été esquissés dans le livre cité plus haut. Pour l’essentiel, je dirai que les solutions seraient :

Obliger les francophones à adopter une nouvelle attitude face à la crise et accepter qu’il existe bel et bien un problème anglophone qui mérite d’être examiné honnêtement, avec sérieux et sans condescendance.

Envisager sérieusement l’organisation d’un autre vrai grand, décomplexé et large dialogue inclusif. Les Anglophones devraient choisir eux-mêmes leurs représentants à cette rencontre ; ils devraient être autorisés à suggérer les sujets les préoccupant, à intégrer à l’ordre du jour.

Aucun sujet à discuter ne devrait être tabou, même le Fédéralisme, quitte à faire développer des arguments devant les convaincre de la nécessité d’essayer autre chose : la décentralisation poussée ou juste effective qui est une espèce de Fédéralisme encadré.

Cette rencontre devrait se doter d’une commission spécialement dédiée à l’étude de la délicate gestion post-conflit avec un arrêt total de la crise avec sa machine à tuer ainsi que sa guerre complètement insensée.

1 Comment

  1. fresh2c22450b89

    Très intéressant.

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