Interview : Mahamat Idriss Déby Itno parle

Interview : Mahamat Idriss Déby Itno parle

Dans un entretien accordé à la télévision tchadienne, Mahamat Idriss Déby Itno, Chef Suprême de l’armée tchadienne, fait le bilan de ses 10 premiers jours au Lac Tchad. Il donne également son point de vue sur la Force Multinationale Mixte (FMM). SecuCam360 a bien voulu transcrire cet entretien pour ses milliers de lecteurs.

Monsieur le Président de la République, vos compatriotes sont inquiets car cela fait dix jours que vous campez aux confins du Lac Tchad suite à l’attaque lâche et barbare de la position de nos forces de défense et de sécurité engagées à Barkaram. Où en est-on après le déclenchement de cette opération ?

Je voudrais d’abord vous répondre par rapport à l’inquiétude de la population par rapport à mon déplacement ici au Lac Tchad. En tant que Président de la République, Chef de l’État, Chef Suprême des Armées, garant de la sécurité de nos concitoyens, garant aussi de l’intégrité territoriale de notre pays, il est de mon devoir de venir au Lac Tchad, là où il y a eu une attaque barbare qui a endeuillé beaucoup de familles. Nous avons eu beaucoup de martyrs et beaucoup de blessés. Pour moi, il était très important de venir sur place pour d’abord compatir avec les soldats sur le terrain, ensuite comprendre ce qui s’est passé et prendre des mesures pour que cela ne se répète plus. Et, pour prendre des décisions, il faut être sur le terrain, il faut comprendre ce qui s’est passé. On ne peut pas comprendre les choses en restant à N’Djamena dans un bureau ou bien dans une chambre pour prendre des décisions ; il faut être sur le terrain, et moi, je suis un soldat. Et, en tant que soldat, je sais que pour prendre de bonnes décisions en ce qui concerne la sécurité, il faut être sur le terrain. Je sais que beaucoup de mes compatriotes sont inquiets par rapport à mon déplacement.

Mais je voudrais leur dire juste que je suis un homme de foi. La mort est partout. Que tu sois dans ton bureau ou dans ta chambre à N’Djamena ou que tu sois ici au Lac Tchad, si l’heure est arrivée, tu ne pourras pas t’échapper. Donc, mieux vaut faire son travail, le travail que le peuple tchadien nous a confié. Dans un premier temps pour venir constater ce qui s’est passé et compatir avec mes frères d’armes, deuxièmement organiser notre dispositif, troisièmement lancer l’opération Askarit pour venger nos martyrs afin d’éradiquer ces bandits de grand chemin. Nous avons déjà commencé la réorganisation des dispositifs au Lac Tchad et, en même temps, nous avons lancé notre opération Askarit. Nous l’avons lancée par voie aérienne et nous avons effectué plusieurs frappes sur des positions ennemies, et ils ont eu beaucoup de morts ainsi que beaucoup de blessés. En même temps, nous étions en train de préparer nos forces terrestres. Et aujourd’hui, comme vous l’avez constaté, nos forces terrestres sont prêtes et maintenant elles iront directement vers l’ennemi pour l’anéantir. Nous allons leur faire payer ce qu’ils ont fait.

En votre qualité de Chef Suprême des armées, quel est le moral de vos troupes engagées en ce moment dans l’opération Askarit ?

D’abord, vous avez vu tout à l’heure comme moi quand j’étais avec les soldats que leur moral est haut. Ils sont même très pressés depuis le début du lancement de cette opération pour partir. Mais, nous avons jugé qu’il faut les préparer avant de partir. Aujourd’hui, je suis venu pour lancer cette opération et vous avez vu comme ils sont pressés et comme ils ont le moral, et ça, c’est dans l’ADN de l’armée tchadienne. L’armée tchadienne a toujours eu le moral haut ; elle n’a jamais baissé les bras contre l’ennemi.

Qui remportera la guerre asymétrique engagée en ce moment aux confins du Lac Tchad ? Est-ce les éléments de l’armée tchadienne ou les éléments de la secte Boko Haram ?

Je ne suis pas dans le secret de Dieu. Mais à mon avis personnel, je vais dire que l’armée tchadienne va remporter. J’ose croire que l’armée va remporter et je prie Dieu le Tout-Puissant pour que notre armée puisse vaincre ces barbares qui tuent les enfants, qui égorgent les enfants, qui violent les femmes, qui volent les bétails des pauvres citoyens. Ces gens-là ne méritent pas de pitié. Dieu est toujours avec les justes et je crois que Dieu va soutenir notre armée.

Le Tchad envisage son retrait de la Force Multinationale Mixte. Qu’est-ce qui sous-tend cette intention ?

Notre pays, le Tchad, s’est engagé dans la lutte contre le terrorisme depuis 2013. Nous avons participé au Mali à l’opération Fatim où moi-même j’étais commandant des forces adjoint. L’armée nationale tchadienne a participé au G5 Sahel, l’armée nationale tchadienne a participé aux Forces Multinationales. Nous avons toujours aidé nos pays voisins. Que ce soit au niveau du G5 Sahel, nous avons toujours envoyé des contingents au Niger, à Tera en 2021. Nous avons envoyé aussi des contingents au Mali comme je disais tantôt, nous avons mené des opérations au Niger à Diffa qui étaient commandées par le défunt Général Daou, ancien ministre de la Défense. Nous avons mené plusieurs opérations au Nigeria. À chaque fois qu’il y a des problèmes dans ces pays voisins, nous, on déploie nos soldats, on déploie nos enfants pour aller les soutenir. Mais quand notre pays, le Tchad, est frappé par l’ennemi, aucun soutien. Avez-vous vu une fois parmi les pays avec lesquels nous avons formé des forces mixtes venir soutenir le Tchad ? Pourquoi devons-nous toujours sacrifier nos enfants pour les autres et en retour ne recevoir aucun soutien ? D’ailleurs, nous envoyons nos enfants, ils meurent là-bas et l’ennemi que nous frappons dans les pays voisins revient au Lac Tchad. Donc, j’ai décidé en mon âme et conscience et en tant que Président de la République, qui est d’abord responsable de la sécurité du Tchad et du peuple tchadien qui m’a élu pour cela. Pour moi, il est temps que l’armée se concentre sur la protection de nos citoyens et de notre territoire, car on n’a pas de soutien. Avec nos maigres moyens, avec nos forces, nous allons protéger nos frontières, sécuriser nos frères. D’ailleurs, c’est ça la mission qui nous a été confiée par le peuple tchadien. Mais cela n’empêche pas le Tchad de respecter ses engagements dans la lutte contre le terrorisme ; au contraire, nous allons continuer à lutter contre le terrorisme, mais d’abord nous allons penser à notre sécurité. En conclusion, il n’y a pas de solidarité pour laquelle cette Force Multinationale a été créée donc, s’il n’y a pas de solidarité, elle n’a aucun intérêt pour notre pays.

Un mot de fin au terme de notre entretien…

Je voudrais tout d’abord exprimer mes sincères condoléances aux familles des martyrs et souhaiter un prompt rétablissement à nos blessés. Ensuite, je voudrais remercier le peuple tchadien parce que, même si je suis au Lac, je sais qu’ils sont tous inquiets, et nous avons été soutenus par beaucoup de Tchadiens. Je voudrais rassurer le peuple tchadien que la situation est sous contrôle. L’armée tchadienne contrôle à 100 % nos frontières, et l’ennemi est en débandade et nous allons le pourchasser. Je voudrais rassurer le peuple tchadien que si je suis ici depuis dix jours, c’est pour que cela ne se répète pas et il faut qu’il fasse confiance à nos forces de défense et de sécurité comme ils l’ont toujours fait.

Comments

No comments yet. Why don’t you start the discussion?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *